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«En mémoire de la Grande Guerre» |
1919 : depuis quelques semaines les canons se sont tus. La Grande
Guerre laisse derrière elle 9,5 millions de morts dont 1 325 000
pour la France, 12 458 pour l'Ardèche. Le XXe siècle
prend son élan, marqué au fer rouge par une violence qui ne
va plus cesser de ressurgir. "La Première Guerre mondiale a
débuté la descente vers la barbarie" écrit l'historien
britannique Eric Hobsbawm.
Quatre-vingt-dix ans plus tard, ce Cahier de Mémoire
d'Ardèche et Temps Présent tente de prendre la mesure de ce que
furent les derniers temps, les lendemains et les surlendemains, sur le temps
long parfois, du premier conflit mondial, dans un département "de
l'arrière" comme l'Ardèche.
Les traces indélébiles de la guerre sont multiples.
Le deuil est-il possible dans les conditions d'une "mort de masse",
selon l'expression d'Antoine Prost ? La population de l'Ardèche régresse
de plus de 10%. L'économie est bouleversée. La Révolution
russe d'octobre 17, née dans la guerre, fascine ou révulse. Les
tensions sociales de 1917 à 1920 sont sans précédent. L'effervescence
est aussi politique et culturelle.
Le monde des anciens combattants et sa cohorte de grands blessés,
de mutilés, de "gueules cassées", impriment leur marque à la
société et aux paysages des villages et des villes avec la construction
des monuments aux morts. Une reconnaissance officielle est obtenue, qui donnera
naissance à l'ONAC et aux commémorations du 11 novembre.
Le pacifisme s'exprime : ce fut la "der des der",
ce ne sera "plus jamais ça ! ". Mais les plus lucides comprennent
que le drame va se renouveler: ils veulent faire "guerre à la guerre".
Vingt ans plus tard, avec le second conflit mondial, la mémoire de la "Grande
Guerre" et de son issue devient un symbole de lutte pour la Résistance.
Aujourd'hui les récits des poilus sont étudiés
en classe et l'histoire du premier conflit mondial s'élargit sur une base
critique : le temps est venu de donner leur place à tous les "oubliés".
Ils sont nombreux : témoins dérangeants et occultés
comme Norman Cru, populations "étrangères" internées,
soldats "perdus" du corps expéditionnaire russe transformés
en "ennemis", fusillés pour l'exemple, objecteurs de conscience
avant l'heure ...
Sans prétendre à l'exhaustivité -
le sujet est inépuisable - et dans la diversité des points de vue,
les contributions des auteurs réunis par Mémoire d'Ardèche
et Temps Présent s'organisent autour de six thèmes présents
dans ces pages ou sur le site Internet :
- état des lieux du département dans les années 20
- regards sur le deuil
- les oubliés du conflit
- les tensions sociales, la vie politique, le monde des anciens combattants,
la culture dans l'après-guerre
- la mémoire du conflit dans le siècle.
Enfin une place particulière, qui mêle articles et
documents, a été réservée aux différentes
lectures, d'hier à aujourd'hui, du 11 novembre.
Pierre Bonnaud
